Un maire sans administrés depuis 18 ans : l’histoire insolite de Fleury-devant-Douaumont

Dans le département de la Meuse, la commune de Fleury-devant-Douaumont n’a plus aucun habitant depuis la Première Guerre mondiale, et pourtant, elle a toujours un maire. Depuis 18 ans, c’est Jean-Pierre Laparra qui occupe cette fonction symbolique. Située dans la « zone rouge » près de Verdun, cette commune fait partie des six villages détruits en 1916 et jamais reconstruits.

Des villages rayés de la carte mais pas de la mémoire

Avec Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Haumont-près-Samogneux et Louvemont-Côte-du-Poivre, Fleury-devant-Douaumont est l’un des villages tombés sous les bombardements de 1916. La terre y est encore marquée par les combats : les sols sont contaminés par des munitions enfouies et chargés du souvenir des nombreux morts. C’est la raison pour laquelle ces villages n’ont jamais été reconstruits.

Un rôle de mémoire plutôt que de gestion

Bien qu’il n’y ait plus d’habitants, chaque village garde un statut officiel de commune. Le maire est nommé tous les six ans par le préfet, sur proposition du conseil départemental. Jean-Pierre Laparra décrit sa mission comme un devoir de transmission : faire comprendre aux jeunes générations que ces lieux furent autrefois bien vivants.

Entretenir le souvenir

Ces maires, souvent passionnés d’histoire, travaillent ensemble pour préserver ces territoires. Leur rôle comprend :

• l’entretien des sites (tonte, nettoyage, reboisement avec l’ONF),

• la restauration des chapelles commémoratives (certaines datant de près d’un siècle),

• la valorisation du patrimoine, en collaboration avec la communauté d’agglomération du Grand Verdun.

Avec la disparition progressive des forêts ravagées par les scolytes, un projet de reboisement est aussi en cours.

Un circuit touristique en préparation

Un parcours reliant les six villages est en développement. Objectif : permettre au public de découvrir ces lieux marqués par la guerre à pied ou à vélo. Un site internet — circuitvillagesdetruits.com — propose déjà du contenu historique, des reconstitutions numériques, des cartes postales anciennes et même des visites virtuelles via des QR codes.

Un petit budget, mais une mission symbolique forte

Malgré l’absence d’habitants, ces communes reçoivent un budget annuel d’environ 20.000 euros, dont 14.000 euros dédiés à l’entretien. Les maires disposent des mêmes pouvoirs que dans une commune classique : Jean-Pierre Laparra a, par exemple, célébré un baptême républicain, et son prédécesseur un mariage, souvent à la demande de descendants d’anciens villageois.

Le circuit touristique devrait voir le jour d’ici 2027 ou 2028. En attendant, la mémoire continue d’être transmise, sur place comme en ligne.